samedi 25 mars 2017

Sur cette terre comme au ciel de Davide Enia


Impossible pour moi de parler de ce livre sans en dissocier la forme et le fond. J'ai été totalement et passionnément conquise par la première, j'ai aimé sans plus le second. 

Une famille palermitaine sur plusieurs générations, la guerre, la boxe, la mafia, les jeunes dans les rues, l'amour. Tout est là, rien ne manque, mais peut-être ai-je trop entendu de ce type d'histoires, je ne sais pas, en tout cas j'ai eu un sentiment de déjà lu, déjà vu, déjà entendu. 


Et pourtant... Et pourtant... Et pourtant, j'ai tourné les pages de ce livre à toute vitesse. Oui, je l'ai dévoré !  

Ce qui m'a ainsi emportée est le style de Davide Enia dans sa globalité et tout particulièrement la manière dont il écrit les dialogues : un pur bonheur, du grand art ! J'ai tellement ri par moment avec les répliques de Gerruso, ce mélange de lucidité et de naïveté. J'ai aussi à plusieurs reprises senti ma gorge se serrer.

Et puis, il y a la poésie, et pas seulement parce que le surnom de Davidù est « Poète ». Non, ici, c'est la poésie du quotidien, la poésie humaine, pas la poésie de salon. De la beauté brute, qui frappe fort, un uppercut de mots, victoire par K.O.   

« Tu sais ce que je voudrais ? Voler le froid de l'hiver, et comme ça, quand viendrait le sirocco, j'aurais toujours le frisson du vent sur la peau et un peu dans le coeur aussi. Dans les histoires, par contre, je voudrais me souvenir seulement de l'instant d'avant. L'instant avant de pêcher un poisson, l'instant avant de toucher un sein, l'instant avant de goûter une orange. Et après, si j'apprends à écrire, je ferai une histoire toute avec des « ne pas » : quand je ne suis pas parti, que je ne t'ai pas dit au revoir, que je ne suis pas allé ailleurs, que je ne travaillerais pas pour un patron et qu'il n'y a pas eu la fête sur la place et que je n'ai pas dansé (…). En tout cas, je cours plus vite que toi. (…) Et ils coururent ensemble, quittant l'enfance, l'un à côté de l'autre, pour la dernière fois de leur vie. »

« La main apprend le mouvement pour dessiner la voyelle, et le corps, par la répétition, apprend les mouvements de frappe et d'esquive. 

Tu veux dire que la main apprend ?

Le corps a sa propre intelligence. C'est une feuille sur laquelle on écrit.

Mmm, si tu le dis.

Tout est écriture.

Tout ?
Oui.
Même la pasta con le sarde ?
Oui.
Et les hanches des filles ?
Oui.
Et les attentats à la bombe ?
Oui.
Et ils écrivent quoi, ces mots de coups de poing et de feintes ?
L'histoire de ma famille. »


« C'est bizarre que nous, qui sommes sur une île, nous ne mettions pas nos morts sur des barques, la nuit, comme ça la mer les emporterait au loin et nous resterions à regarder les feux qui disparaissent à l'horizon de la vie.

- Les cimetières existent parce que savoir que le mort est dans un endroit précis, c'est une consolation.

- D'accord, mais quel autre endroit pourrait être plus précis que le coeur ? »


Je participe avec ce titre à une lecture commune avec Eimelle, Blandine, Martine, Paolina (et d'autres à venir) dans le cadre du :