vendredi 30 décembre 2016

Dolce vita de Juan Joseph Ollu

C'est Sara, stagiaire chez Annika Parance, qui a eu l'idée de me faire parvenir ce service de presse et je la remercie sincèrement pour cela, car ce livre est arrivé à point nommé dans ma vie. Il y a des choses comme ça qui arrivent et pour lesquelles on dit simplement merci sans se poser plus de questions. 

Ce livre, le voici : 


Il m'a accompagnée durant plusieurs semaines, non pas parce qu'il était long à lire, mais parce que chaque nouvelle page lue donnait lieu à des réflexions, des pensées et des prises de notes dans un cahier. Dolce Vita détient d'ailleurs ici un record, celui des pages écrites en cours de lecture... 17 !

Avant de vous faire part de mes découvertes, je tiens à dire au lecteur que je suis la maman d'un garçon de 13 ans. Depuis quelques temps, je m'interroge sur la meilleure façon d'être à ses côtés durant la saison de sa vie où il va quitter l'enfance et son insouciance pour entrer dans la vie adulte et... tout ce qu'elle contient. J'ai trouvé beaucoup de réponses à mes questions dans le livre de Juan Joseph Ollu qui m'a permis de replonger dans cette saison lointaine, de me souvenir, de vibrer comme jadis et comme mon fils vibrera sous peu. 

Le livre de Juan Joseph Ollu en est un d'atmosphère et de sensations. Accessoirement, il y est question de sexualité, d'homosexualité, de bisexualité, mais ce n'est pas là le propos central, car comme le rappelle l'auteur, le sexe du partenaire est secondaire, le sentiment fort passe avant. 

Crédit :Monik Lanza photographe
En plus d'une écriture subtile qui enveloppe le lecteur, le prenant délicatement dans ses bras, Juan Joseph Ollu compose un univers. Oui, il le compose, il ne le crée pas comme certains autres le font. Lui, il juxtapose, colle, agence, enchaîne, harmonise des références littéraires, musicales et cinématographiques pour fabriquer un monde dans lequel il fait évoluer ses personnages empreints de ces cultures riches. 

Vous trouverez donc ci-après trois choses :

  1. Une liste de références qui peuvent servir de préambule ou de prolongement à la lecture de Dolce Vita;
  2. Une composition de mots, ceux qui appartiennent à la saison de la vie qu'on laisse derrière nous après 25 ans et qui se retrouvent ici dans ce livre pour nous rappeler que même si le monde change, la sensibilité humaine, elle, ne change pas.
  3. Une succession de citations relevées dans le livre qui, un peu à la manière d'une bande-annonce, vous emporteront dans le tourbillon de la dolce vita de Juan joseph Ollu et vous donneront assurément envie d'y goûter. 
Tout d'abord donc quelques films et livres cités au fil des pages de ce roman et qui contribuent à créer cette atmosphère que l'on ne quitte qu'à regret :

Bonjour tristesse & Un certain sourire de Françoise Sagan


La Dolce Vita de Federico Fellini


En l'absence des hommes de Philippe Besson



Ensuite, ces quelques mots tirés du livre et tout en désordre, un chaos qui illustre bien je crois cette saison de la vie... passionnante recherche de définitions ! 


Et enfin, la trame narrative de ce livre que nous offre Juan Joseph Ollu en même temps que son écriture, sa sensibilité et, je crois, un peu de sa vie. 

Tout commence tranquillement dans un lycée parisien, l'année du bac...

Toujours avoir un livre avec lui, ou plusieurs. Pour la littérature et les mots bien sûr, mais aussi comme portes de sortie ou possibilités de parenthèses, d'évasion et de fuite. Et le cinéma, influençant ses actions et sa déraison. 

La « drague » comme un jeu...

C'est peut-être cynique, mais je dois bien l'admettre : cela facilite les choses d'être, sans effort, agréable à regarder.

Les soirées...

Je jetai un coup d'oeil à mon portable : minuit et demi. Seulement. Et maintenant, quoi ? Tout sauf ce vide horrible, cette tristesse, cet ennui.

Et puis... le premier amour...

J'avais dix-huit ans, j'étais vivant, j'étais heureux tout à coup et il n'y avait rien d'autre.

La métamorphose...

Jusque là, tout m'avait paru tellement simple, évident. Et voilà qu'en si peu de temps, quelques semaines, des failles s'étaient ouvertes, et j'entrevoyais - à peine - un vide vertigineux, abyssal même, tout près, juste devant moi.

Les questions sans réponses immédiates...

Cette légèreté supposément inhérente à de tels moments, il me semblait pourtant la sentir, tout près de moi, mais elle s'écartait, inatteignable; aussitôt que je tentais de la saisir, de la vivre pleinement, elle m'échappait, remplacée par d'innombrables questions et là, tout au fond du coeur, une sorte de détresse latente, insaisissable elle aussi, mais bien présente.

Les attentes, les espoirs, les idéaux...

Non ! Non, plus de cet ennui, de cette crainte de la quiétude. Je voulais me sentir exister, me sentir à vif à chaque instant, désormais, toujours. 

Le romantisme...

Penser à toi, ça m'empêchera de m'ennuyer, comme je me suis toujours ennuyé avant de te connaître.

Les prises de conscience de soi-même...

La révélation que j'avais eue de moi-même et du monde, ainsi que de l'existence de cet être qui me torturait sans le vouloir m'avait sorti de ma désinvolture.

... et des autres...

Je ne savais pas encore qu'une existence tout entière ne suffit même pas pour cerner sa propre vérité sous tous ses aspects, dans tous ses états, à travers tous ses visages. Alors, celle d'un autre...

... de leurs propres failles...

Je découvrais la vie à travers lui et il trébuchait, ne savait plus comment avancer.

Puis, les espoirs...

Sur sa figure, un bref instant, je lus l'avenir dont je rêvais.

... les blessures...

Tout tenter. Ne rien laisser en suspens. Tout détruire, s'il le fallait. Cela valait mieux que ce désert vide, ce nulle part.

... et le début de toute une vie.

J'étais libre ! 

Crédit : Robert Jahns











mercredi 28 décembre 2016

Lumière

Pour la première fois, je participe ce mois-ci au rendez-vous du Petit Carré Jaune :



Le thème proposé est : Lumière.

Or, je cherchais depuis quelques temps déjà une occasion de vous parler de Maurice. C'est notre poisson. Il est arrivé chez nous il y a quelques semaines déjà pour les besoins d'un tournage et... il est resté là ! :)

Jamais n'aurions-nous pensé qu'une si petite bête dans un « bol d'eau » nous émerveillerait autant, qu'elle démontrerait une telle personnalité. Du coup, Maurice trône sur la table du salon/salle à manger/bureau ou comme on dit ici de la « pièce à vivre » (traduction quasi littérale du living-room anglais).

Maurice est superbe, mais le soir, lorsque l'on allume la petite lumière posée sur la table, là, c'est plus beau que tout, c'est... c'est... Bref, on l'aime notre Maurice et c'est donc lui la vedette de cette première participation !



   

vendredi 23 décembre 2016

New York Stories (suite et fin)

Les 8 derniers textes de ce recueil sont très variés et inégaux.

Trois d'entre eux traitent de l'immigration et le fait justement de les lire presque à la suite donnent différents points de vue sur le même phénomène, ce qui est extrêmement intéressant.

Dans Wings de Anzia Yezierska, une jeune juive russe naïve et romantique est « l'objet d'étude » d'un professeur qui vient louer un appartement dans l'immeuble dont elle est la concierge. Le ton un peu mièvre, ainsi que plusieurs clichés et caricatures m'ont déplu, mais le texte constitue une belle introduction à une réflexion sur le statut de la femme aux Etats-Unis comme ailleurs.  

« In America, if a girl earns her living, she can be fifty years old and without a man, and nobody pities her. » 

Au cours du récit, l'oncle de la jeune fille envisage de la « placer » chez un homme ce qui m'a rappelé un film dont je souhaitais parler ici, car il évoque très justement je crois ces traditions. Il s'agit de Arranged.




Negocios de Junot Diaz met en scène pour sa part un immigrant venu de la République Dominicaine pour préparer la venue ultérieure de sa famille. Ce qui m'a séduite dans ce récit est la multitude de détails, un peu à la manière d'un journal, qui retrace toutes les étapes à franchir avant de peut-être parvenir au but fixé : le voyage, les combines, apprendre la langue, se marier pour obtenir un statut permanent, faire face au racisme, travailler et grimper les échelons sociaux, avoir un plan et rester loyal envers sa famille, veiller sur sa santé, persévérer. 

Ce très beau texte pose la question des rêves versus la réalité et nous rappelle que malgré nos efforts et tout ce que l'on peut croire, c'est la vie qui décide beaucoup pour nous... plus que l'inverse.

Le dernier récit à aborder l'immigration est Mistress de Lara Vapnyar et conclut merveilleusement bien ce « triptyque »puisqu'il nous rappelle que l'immigration peut prendre une toute autre forme... quand l'amour s'en mêle...

Deux autres textes relativement courts traitent l'un de la paternité et de la façon dont elle peut changer un homme et l'autre de la maternité et de ce qu'une mère représente pour nous... et pour les autres. Ce second texte intitulé New York Day Women par Edwige Danticat 



est très touchant et constitue une sorte d'hommage aux mères. Le premier a pour titre Midsummer madness de Langston Hughes et fait appel à de nombreux proverbes. Je l'ai un peu moins aimé, car je l'ai trouvé un peu confus.

L'une des histoires m'a laissée perplexe, il s'agit de Glory in the daytime par Dorothy Parker. Je suis demeurée perplexe, car j'ai a-do-ré l'écriture, le style, le ton, mais le propos d'un pessimisme sombre quant à la vie de couple d'une part et à la célébrité d'autre part m'a déroutée. Le fond et la forme ne semblaient pas aller ensemble. Etrange sensation. J'ai donc eu envie d'en savoir un peu plus sur cette auteure et lors de mes recherches j'ai trouvé pour la décrire cette phrase troublante :

Ses amis la voyaient à la fois comme une source d'amusement et de tragédie. Elle tenta de se suicider au moins à trois reprises.



Par volonté de rendre un avis complet sur ce livre, je mentionne les deux derniers titres bien qu'ils n'en vaillent pas la peine à mes yeux : Sirens of Gowanus by Simon Richle dernier texte du livre ) que je n'ai tout simplement pas compris. Peut-être y a-t-il un symbolisme à découvrir dans cette histoire de sirènes, mais il m'a totalement échappé.

Quand à O russet witch! de F. Scott Fitzgerald, mon édition numérique ne contient que le premier chapitre. J'ignore s'il s'agit d'une erreur ou d'un choix, mais c'est terriblement frustrant. Je vais tenter d'éclaircir le mystère en écrivant à l'éditeur. Pour l'heure, je ne sais juste pas comment se termine cette histoire qui débutait pourtant fort bien. 

samedi 17 décembre 2016

18 décembre

De nos jours, le 18 décembre est un jour comme les autres, la majorité des yeux étant plutôt tournés vers le 24 du même mois. 😉

Pourtant, en 1865, le 18 décembre fut une journée mémorable qui vit la promulgation du 13ième amendement et donc l'abolition de l'esclavage.

Pour tourner les yeux vers ce pan capital de l'histoire, j'ai choisi de visionner le film de Steven Spielberg : Lincoln. Je vous le conseille vivement, il permet d'avoir une très bonne idée du déroulement des événements et de la personnalité de Lincoln lui-même. Daniel Day-Lewis est magistral dans ce rôle. 



En guise de prologue, je vous invite aussi à (re)lire le splendide Catfish de Maurice Pommier dont je recopie ici l'article que je lui avais consacré sur un précédent blogue.

✳✳✳

L'esclavage... On en parle souvent comme d'un « fait » historique lointain, une pratique barbare désormais abolie. Cette abolition semblant autoriser peu à peu l'oubli. Certes, il existe peut-être moins d'esclaves de nos jours, mais il en existe toujours beaucoup trop. On pense, par exemple, aux enfants « restaveks » d'Haïti.


Le livre de Maurice Pommier présente l'esclavage aux États-Unis aux 17ième, 18ième et 19ieme siècles à travers l'histoire de Scipio Catfish.
Comment cet enfant des Antilles est arrivé aux États-Unis, comment il a été traité par les « Blancs-qui-tapent» dans une plantation, comment il fut élevé par un esclave venu d'Afrique portant le nom de Vieux George et protégé par un tonnelier anglais et comment finalement, des années plus tard, il est devenu un homme libre.

En plus d'être un témoin historique d'une grande éloquence, ce livre dégage une profonde humanité due, je crois, en grande partie à la qualité des illustrations. Leur magie réside dans le fait de transmettre des actes odieux et des souffrances multiples sans heurter, mais avec néanmoins une très grande intensité. Un équilibre parfait.




vendredi 16 décembre 2016

New York Stories (4, 5, & 6)

J'avance tranquillement dans la lecture de ce recueil qui me réserve toutes sortes de surprises.

Le quatrième texte s'intitule « By courier » de O. Henry et est tout simplement charmant ! 


A la suite d'une dispute, deux amoureux se trouvent chacun sur un banc différent dans le même parc. Le serviteur de l'homme va aller de l'un à l'autre porter des messages et des réponses pour que finalement les deux tourtereaux... Hou, là, là, chut, j'ai failli vous dire la fin de l'histoire. Lisez-le, c'est adorable.

Un petit point à préciser toutefois, l'auteur s'est amusé à reproduire l'accent très spécifique du serviteur ce qui a rendu ma lecture un peu laborieuse, mais ne l'a en rien gâchée. 


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Le cinquième texte a pour titre « The aunt and the sluggard » par P.G. Wodehouse.

Autant le dire tout de suite, je suis passée totalement à côté de ce texte que j'ai trouvé... pathétique et qui ne m'a pas du tout fait rire alors que c'était, je crois, son but.

Peut-être est-ce par ce que je manquais de contexte puisque les personnages principaux, Jeeves et Wooster, font l'objet d'une série de textes portés à l'écran.

Ou peut-être est-ce parce que New York y est dépeint comme un lieu de perdition et que cela m'a agacée. 

Je ne sais pas, mais une chose est certaine : je ne lirai pas la série !!! :) 

Voici cependant quelques illustrations dudit texte : 




et un lien vers la série : 



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Le sixième texte est de Willa Cather et s'appelle « Ardessa ».

L'histoire a lieu dans le milieu du travail et décrit l'ascension et la chute d'une assistante/secrétaire. J'ai beaucoup aimé l'écriture de Willa Cather pour sa capacité à recréer une atmosphère. Il y a par ailleurs beaucoup de personnages dans cette histoire et l'addition de ces deux aspects (l'atmosphère palpable et les nombreux personnages) m'a parfois donné l'impression d'être au théâtre ! :)

L'auteure a puisé dans sa propre expérience au sein du 


fameux pour ses « muckrakers », ces journalistes qui attaquaient l'establishment et dont Willa Cather faisait partie. Elle ne se gêne d'ailleurs pas pour dénoncer dans son texte incisif les travers du milieu du travail : privilèges, dress code, rivalités et... décisions prises par certains quand d'autres sont en congé... 

Un siècle s'est écoulé depuis la publication de ce texte, mais les choses ne me semblent pas avoir radicalement changées. Ceci me fait d'autant plus apprécier ma condition de travailleuse autonome ! :)

Je vous dis à très vite pour la suite.  
   


dimanche 11 décembre 2016

New York Stories (3) & Martin Scorsese

Le texte suivant du recueil « New York Stories » est intitulé « The Other Two » by Edith Wharton.


La trame narrative est la suivante : un homme rentre de lune de miel avec sa femme. Celle-ci a eu deux autres maris avant lui. Les circonstances (une enfant malade et des intérêts d'affaires communs) vont faire en sorte que les trois hommes vont être amenés à se rencontrer, tout d'abord « deux par deux », puis les trois ensemble et finalement avec « leur » femme. 


J'ai beaucoup aimé ce texte derrière lequel on sent la femme engagée, proche du féminisme, qui distille son message avec une remarquable subtilité. Grattant délicatement le vernis des conventions, Edith Wharton dresse un bilan de ce qui est gagné, ce qui est perdu et ce qui se transforme au fil des relations de couple. 

Sous le charme de ce court récit, j'ai eu envie de lire d'autres oeuvres de l'auteure et le premier titre qui est apparu a été « Le temps de l'innocence ». Sans vraiment savoir pourquoi, ce titre ne m'était pas inconnu... et pour cause, c'est celui d'un film de Martin Scorsese que je me suis empressée de regarder. 


Grandiose ! 

On y retrouve les thèmes mentionnés ci-dessus ainsi que le personnage d'une « femme libérée » incarnée par Michelle Pfeiffer et surtout, surtout, surtout, l'évocation de la puissance de l'amour, objet de tant de livres et de films, car toujours au coeur de nos vies, que l'on en soit pleinement conscients ou pas. 

Oui, l'amour ! Celui qui change la couleur des choses, celui qu'on ne peut pas cacher, celui qui nous fait respirer et peut aussi parfois nous couper le souffle. Le vrai, quoi !

JE SUIS UNE ROMANTIQUE ! :)

    

jeudi 8 décembre 2016

New York Stories (2)

Le second texte de ce recueil est très court; il s'agit de « Adventures of a novelist » de Stephen Crane. 


De manière claire et concise, l'auteur illustre à merveille le fait qu'il ne devrait pas y avoir en termes de justice « deux poids et deux mesures ». 

Écrit en 1896, ce texte est (malheureusement) encore totalement d'actualité. 

Citation

Apparently the united wisdom of the world declared that no man should do anything but throw his sense of justice to the winds in an affair of this description. « Let a man have a conscience for the daytime, » said the wisdom. « Let him have a conscience for the daytime, but it is idiocy for a man to have a conscience at 2:30 in the morning, in the case of an arrested prostitute. »


mardi 6 décembre 2016

New York Stories (1)

Ce livre (reçu de la part de NetGalley) est un recueil de textes ayant pour point commun la ville de New York. Un petit (1) est apparu près du titre de l'article, car je viens de terminer le premier texte : « Bartleby » de Hermann Melville. D'autres numéros suivront au fur et à mesure de ma lecture.



J'ai été ravie de retrouver l'écriture de Melville que j'avais découverte avec Moby Dick. La précision de chaque sentiment, la description de chaque détail, la construction minutieuse d'un univers, tout était là. 

J'ai toutefois trouvé cette lecture un peu ardue et... pesante. Non en raison de l'écriture, mais bien à cause de Bartleby lui-même. Quel étrange personnage ! Qui dans le même temps exaspère et charme tout à la fois. En refermant le livre, je ne savais plus quoi penser de cet homme marginal, entêté et seul. Le sentiment de malaise m'a poursuivie quelques jours et j'ai pensé que Melville avait voulu (ce qui était vraiment courageux pour l'époque) parler de maladie mentale. Pour moi, Bartleby était finalement une sorte de schizophrène. 

Cependant, la référence à la toute fin du récit au Dead Letter Office m'a mis la puce à l'oreille. Ne s'agissait-il pas plutôt de dénoncer un système sociétal ? De pointer du doigt les dommages causés par certains emplois sur l'être humain ?



J'ai alors effectué quelques recherches et voici ce que j'ai découvert.    

Bartleby serait en effet une illustration de la théorie de « l'antipouvoir » qui s'articule autour de la stratégie de la fuite selon laquelle il faut combattre l'État indirectement plutôt que de manière frontal. 



Par ailleurs, Bartleby aurait grandement inspiré le mouvement littéraire de l'absurde (qui a vu le jour au cours de la seconde guerre mondiale) dont fait partie l'inoubliable livre de Camus : « L'étranger ». Et oui, en effet, le silence dans lequel se mure Bartleby a de nombreux points communs avec celui qui enveloppe Meursault dans le livre de Camus. 

Au moment de la rédaction de sa nouvelle en 1853, Melville était donc vraiment en avance sur son temps !  

vendredi 2 décembre 2016

Le petit bac chez Enna

Je ne sais pas si vous avez déjà joué au Petit Bac lorsque vous étiez enfant ou avec vos enfants ou les deux... moi, oui ! Et j'adore ça. 

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas, voici le principe :


  1.  Sur des feuilles de papiers, tracer des colonnes en indiquant des catégories (les plus fréquentes sont : Prénom, Animal, Pays, Couleur, Fruit... mais on peut en inventer à l'infini.)
  2. Déterminer une lettre (soit en ouvrant une page du dictionnaire au hasard ou en faisant réciter l'alphabet à quelqu'un dans sa tête et en l'arrêtant à un moment donné, ...).
  3. Chacun a alors une minute (ou plus selon l'âge des participants) pour trouver un mot commençant par la lettre retenue dans chacune des catégories. 
  4. Compter les points (là, c'est une autre histoire et les « règles » varient souvent... ) 
C'est tout ! Et ça peut durer des heures ! :) C'est un passe-temps vraiment amusant... et qui permet souvent d'apprendre des choses !  

Chaque année, Enna organise un Challenge Petit Bac sur son blogue. 

Selon le principe du jeu ci-dessus, nous lisons donc des livres qui correspondent à des catégories. Tiguidou !

J'ai décidé de participer. 

Voici les titres que je lirai pour remplir ma première ligne : 

Prénom

Lieu
Mexico by Josh Barkan (déniché sur NetGalley)

Couleur
La boutique jaune de Jeanne Benameur (car je voulais relire cette auteure dont j'ai beaucoup aimé Profanes - mais je ne bloguais plus à ce moment-là, donc je crois qu'il n'y a aucune trace nulle part de ma lecture)

Animal
33 chemin de la baleine de Myriam Beaudoin (c'est un coup de coeur de Suzanne, alors...)

Objet

Sport/Loisir

Personne connue

Aliment/Boisson

Famille

Mort

J'aime beaucoup ce challenge et la préparation de la liste; cela m'oblige à me demander quels sont les livres que j'ai VRAIMENT envie de lire. Je me suis aperçue que j'avais souvent des envies qui disparaissaient ensuite dans le flot du quotidien et des sollicitations de lecture. Voici une belle occasion d'y revenir et, par ailleurs, de faire de nouvelles découvertes puisque certains titres ne sont choisis que parce qu'il comporte un mot précis dans leur titre !

lundi 28 novembre 2016

Terry Waite

Peut-être avez-vous remarqué l'apparition, il y a quelques jours, d'un badge sur le côté de mon blogue :


Professional Reader

Il s'agit d'une communauté de lecteurs (anglophones) que j'ai choisi de rejoindre afin de découvrir de nouveaux auteurs (anglophones).

Le premier livre qui a attiré mon attention l'a fait simplement parce que sa couverture me plaisait. Rien de plus... au départ. 



Il s'est avéré que ce paysage se trouve en Nouvelle Zélande où l'auteur s'est retiré quelques temps afin de colliger mémoires, poèmes et réflexions. 


En découvrant la vie de cet homme, j'ai eu honte d'avoir vécue la mienne sans jamais avoir eu l'occasion de le connaître jusqu'à ce jour et la lecture de son livre. J'ai été soulagée de lire que lui, pour sa part, n'avait pas su pendant longtemps qui était l'Abbé Pierre. Nous étions quittes ! :) 


De retour au texte, j'invite toute personne se sentant pleinement appartenir au monde actuel, à prendre connaissances des réflexions de Terry Waite. Sur un mode empreint d'une grande simplicité, l'auteur abord des thèmes fondamentaux : 
> les croyances; 
>la colère;
>l'empathie; 
>la mort; 
>les relations; 
>la passion. 

Je crois que l'auteur a lui-même eu un grand besoin de prendre le temps de ce bilan et le contenu de ce petit livre aurait donc pu être très personnel, trop intime. Il n'en est rien, car, Terry Waite a ce talent de savoir se placer juste au bon endroit pour que sa présence embellisse notre paysage sans rien en cacher. Son écriture est toute en discrétion et partant de lui au début, il parvient à nous questionner subtilement sans rien brusquer.

Chacun de ses poèmes bénéficie d'un chapitre entier qui tout doucement nous y amène. Rarement la poésie n'aura su ainsi me parler.

Au fil de ma lecture, j'ai remarqué un détail : les corridors. Ils reviennent souvent dans les images partagées par l'auteur : corridor d'une maison de retraite, corridors dans lesquels on s'égare. J'ignore à quoi ressemblait le lieu de sa détention, mais de longs corridors devaient y figurer.

Pour rassembler mes impressions à la lecture de ce livre, un mot me vient à l'esprit : sagesse.

C'est un privilège de pouvoir bénéficier des propos de Terry Waite tranquillement chez nous, de pouvoir les absorber un à un en prenant le temps d'en saisir tout le sens. N'hésitez pas.

D'ici là, je vous en livre un fragment qui m'a particulièrement touchée :



ANGER

Anger rages
Like a consuming fire,
Destroying all
That would impede
Its relentless pathway.

Do not extinguish
The flames totally.
Calm them.
And warm yourself
By the gentle glow
Of the embers.    

vendredi 25 novembre 2016

Peinture, littérature & LUI !

Je viens de refermer « L'ombre de nos nuits » de Gaëlle Josse,


un titre repéré il y a quelques temps chez Ritournelle

C'est beau ! Mais, je sais déjà que c'est sans doute beaucoup plus beau encore que ça. Pour l'instant, je trouve ce livre beau comme on trouve belle une peinture dans la salle d'un musée en passant devant. On s'arrête quelques instants : « oui, vraiment, c'est beau » et l'on passe au tableau suivant. Si vous êtes comme moi, vous enfilez ainsi les salles et, à la fin seulement, vous revenez vers une oeuvre, l'oeuvre qui vous a le plus saisie pour lui offrir un peu plus de votre temps. 

C'est ce que je m'apprête à faire avec le livre de Gaëlle Josse au moment d'en débuter une seconde lecture. Celle-ci sera plus précise que la première au cours de laquelle j'étais pressée de tourner les pages, curieuse de connaître l'issue de l'histoire du tableau de George de la Tour, 



curieuse de savoir comment se terminait l'histoire d'amour de celle qui écoute en boucle Léonard Cohen.

mardi 22 novembre 2016

Salut mon roi mongol !

Dans quelques jours, Théo sera sur le plateau du tournage du nouveau film de Luc Picard : Les rois mongols. Afin de préparer avec lui la scène à laquelle il participe, j'ai décidé de lire le livre de Nicole Bélanger dont est tiré le scénario.


J'avais déjà une grande admiration pour Luc Picard, mais je lui suis de plus désormais redevable de m'avoir fait découvrir ce petit bijou de la littérature québécoise. 

En résumé, quatre enfants d'Hochelaga vivent leur propre « Crise d'Octobre » en kidnappant une grand-mère alors que se déroule parallèlement les événements que l'on sait. Quoique ! Sait-on vraiment ? Tout le monde ? Un bref rappel historique ne peut pas faire de mal.  



Lundi 5 octobre


James Richard Cross, attaché commercial de la Grande-Bretagne à Montréal, est enlevé à son domicile de Montréal par quatre membres de la cellule Libération.

Le FLQ laisse 48 heures au gouvernement pour qu’il se conforme à ses exigences.

Mercredi 7 octobre

L’ultimatum de 48 heures laissé par le FLQ arrive à échéance. Le FLQ laisse un autre 24 heures aux autorités. 

Jeudi 8 octobre

Le deuxième délai accordé par le FLQ expire. Une autre échéance est donnée : minuit le jour même. 

Samedi 10 octobre

En direct à la télévision, Jérôme Choquette, ministre québécois de la Justice, annonce que le gouvernement n’acquiescera pas aux demandes du FLQ.

Plus tard dans la soirée, le ministre québécois du Travail et de l’Immigration Pierre Laporte est enlevé chez lui par un autre sous-groupe du FLQ, la cellule Chénier. 

Dimanche 11 octobre

Le FLQ laisse au gouvernement jusqu’à 22h pour qu’il se soumette à ses demandes.

Cinq minutes avant la fin de l’ultimatum, Robert Bourassa annonce son intention de négocier avec le FLQ.

Mardi 13 octobre

À la demande des ministres fédéraux, l’armée s’installe sur la colline Parlementaire à Ottawa.

Jeudi 15 octobre

Le gouvernement du Québec demande l’aide de l’armée canadienne. Plus de 8 000 soldats s’installent autour des édifices importants de la province.

Vendredi 16 octobre

À la demande du gouvernement du Québec et de la Ville de Montréal, la Loi sur les mesures de guerre est proclamée par le gouvernement fédéral.

Samedi 17 octobre

On trouve le corps de Pierre Laporte dans le coffre d'une voiture.

Selon le rapport du médecin légiste, l’homme est mort asphyxié, peut-être étranglé avec la petite chaîne qu’il portait alors autour du cou.

Mercredi 25 novembre

Après près d’un mois de filatures, la police découvre le lieu de séquestration de James Cross.

Mercredi 3 décembre

La police s’entend avec les ravisseurs après de longues négociations. 

James Cross est finalement libéré, après 60 jours de détention.


Équilibrant parfaitement les clins d'oeil à l'Histoire, la description de familles défavorisés dans le Québec des années 70 et une histoire d'amour, d'amitié et d'émancipation entre des enfants aussi tendres que farouches, Nicole Bélanger nous fait rire, pleurer et aimer le Québec. Faisant parler Manon, la « boss de la gang » du haut de ses 13 ans, ce roman touche, bouleverse, instruit, explique, questionne, dénonce. Dans un pays trop souvent dissimulé derrière le « politiquement correct », l'authenticité du discours que Nicole Bélanger place dans la bouche de Manon fait plaisir à entendre, rassure, encourage.

Ce n'est assurément pas un hasard si Luc Picard choisit de porter à l'écran ce livre-là. Vous le lirez peut-être, vous verrez aussi sans doute le film, mais, au cas où, en voici tout de suite quelques extraits : 

« ... je me suis avancée dans l'allée centrale, jusqu'au tabernacle, où apparemment Dieu se trouve. Arrivée devant l'autel, je lui ai dit : « Salut ! », mais je n'ai pas fait de génuflexion. Ce n'est pas que je répugnais à m'abaisser devant lui, mais c'est le genre de chose, les génuflexions et autres simagrées, qu'on fait uniquement, et je le pense encore, pour prouver aux autres chrétiens qu'on est bon chrétien. On peut trouver que Dieu manque parfois de discernement, mais je reste convaincue qu'il ne juge pas notre foi sur la souplesse de nos articulations. En tout cas... »

« ...

- T'es pas tanné, toi, d'être petit... de jamais avoir le droit de rien dire pis de rien faire ?... T'es pas tanné d'être pauvre pis de jamais rien avoir... Moi chu ben écoeurée ! C'est tellement pas juste ! Tellement pas juste !

Mon cousin s'est approché, timidement, et s'est assis à mes côtés, sans me toucher ni me regarder. D'une main il se gratouillait la tête, tandis que de l'autre, il repoussait des maringouins imaginaires.

- Pleure pas, Manon, pleure pu !

Hésitante et maladroite, sa main s'est finalement avancée près de mon visage pour écraser des larmes qui perlaient sur le bord de mes cils. J'aurais voulu, même si ce n'était que lui, qu'il me serre dans ses bras. Doucement. Qu'il me berce, et que je m'endorme pour l'éternité. Je me sentais fatiguée.

- Pleure pu Manon. T'es pas belle quand tu pleures !

-J'pleure pas pour être belle, j'pleure parce que j'en peux pu, Martin. J'en peux pu !

-Arrête, Manon ! Arrête !

Il ne pouvait pas supporter de me voir pleurer. Ça lui faisait mal. Parce que tout ça c'était vrai et qu'on ne pouvait rien faire pour y changer quoi que ce soit. »


« Tout cela s'est passé à une époque pas si lointaine qu'on a appelée la Révolution tranquille. C'était tellement tranquille qu'on ne s'est pas aperçu tout de suite qu'il y avait une révolution. »