mardi 22 novembre 2016

Salut mon roi mongol !

Dans quelques jours, Théo sera sur le plateau du tournage du nouveau film de Luc Picard : Les rois mongols. Afin de préparer avec lui la scène à laquelle il participe, j'ai décidé de lire le livre de Nicole Bélanger dont est tiré le scénario.


J'avais déjà une grande admiration pour Luc Picard, mais je lui suis de plus désormais redevable de m'avoir fait découvrir ce petit bijou de la littérature québécoise. 

En résumé, quatre enfants d'Hochelaga vivent leur propre « Crise d'Octobre » en kidnappant une grand-mère alors que se déroule parallèlement les événements que l'on sait. Quoique ! Sait-on vraiment ? Tout le monde ? Un bref rappel historique ne peut pas faire de mal.  



Lundi 5 octobre


James Richard Cross, attaché commercial de la Grande-Bretagne à Montréal, est enlevé à son domicile de Montréal par quatre membres de la cellule Libération.

Le FLQ laisse 48 heures au gouvernement pour qu’il se conforme à ses exigences.

Mercredi 7 octobre

L’ultimatum de 48 heures laissé par le FLQ arrive à échéance. Le FLQ laisse un autre 24 heures aux autorités. 

Jeudi 8 octobre

Le deuxième délai accordé par le FLQ expire. Une autre échéance est donnée : minuit le jour même. 

Samedi 10 octobre

En direct à la télévision, Jérôme Choquette, ministre québécois de la Justice, annonce que le gouvernement n’acquiescera pas aux demandes du FLQ.

Plus tard dans la soirée, le ministre québécois du Travail et de l’Immigration Pierre Laporte est enlevé chez lui par un autre sous-groupe du FLQ, la cellule Chénier. 

Dimanche 11 octobre

Le FLQ laisse au gouvernement jusqu’à 22h pour qu’il se soumette à ses demandes.

Cinq minutes avant la fin de l’ultimatum, Robert Bourassa annonce son intention de négocier avec le FLQ.

Mardi 13 octobre

À la demande des ministres fédéraux, l’armée s’installe sur la colline Parlementaire à Ottawa.

Jeudi 15 octobre

Le gouvernement du Québec demande l’aide de l’armée canadienne. Plus de 8 000 soldats s’installent autour des édifices importants de la province.

Vendredi 16 octobre

À la demande du gouvernement du Québec et de la Ville de Montréal, la Loi sur les mesures de guerre est proclamée par le gouvernement fédéral.

Samedi 17 octobre

On trouve le corps de Pierre Laporte dans le coffre d'une voiture.

Selon le rapport du médecin légiste, l’homme est mort asphyxié, peut-être étranglé avec la petite chaîne qu’il portait alors autour du cou.

Mercredi 25 novembre

Après près d’un mois de filatures, la police découvre le lieu de séquestration de James Cross.

Mercredi 3 décembre

La police s’entend avec les ravisseurs après de longues négociations. 

James Cross est finalement libéré, après 60 jours de détention.


Équilibrant parfaitement les clins d'oeil à l'Histoire, la description de familles défavorisés dans le Québec des années 70 et une histoire d'amour, d'amitié et d'émancipation entre des enfants aussi tendres que farouches, Nicole Bélanger nous fait rire, pleurer et aimer le Québec. Faisant parler Manon, la « boss de la gang » du haut de ses 13 ans, ce roman touche, bouleverse, instruit, explique, questionne, dénonce. Dans un pays trop souvent dissimulé derrière le « politiquement correct », l'authenticité du discours que Nicole Bélanger place dans la bouche de Manon fait plaisir à entendre, rassure, encourage.

Ce n'est assurément pas un hasard si Luc Picard choisit de porter à l'écran ce livre-là. Vous le lirez peut-être, vous verrez aussi sans doute le film, mais, au cas où, en voici tout de suite quelques extraits : 

« ... je me suis avancée dans l'allée centrale, jusqu'au tabernacle, où apparemment Dieu se trouve. Arrivée devant l'autel, je lui ai dit : « Salut ! », mais je n'ai pas fait de génuflexion. Ce n'est pas que je répugnais à m'abaisser devant lui, mais c'est le genre de chose, les génuflexions et autres simagrées, qu'on fait uniquement, et je le pense encore, pour prouver aux autres chrétiens qu'on est bon chrétien. On peut trouver que Dieu manque parfois de discernement, mais je reste convaincue qu'il ne juge pas notre foi sur la souplesse de nos articulations. En tout cas... »

« ...

- T'es pas tanné, toi, d'être petit... de jamais avoir le droit de rien dire pis de rien faire ?... T'es pas tanné d'être pauvre pis de jamais rien avoir... Moi chu ben écoeurée ! C'est tellement pas juste ! Tellement pas juste !

Mon cousin s'est approché, timidement, et s'est assis à mes côtés, sans me toucher ni me regarder. D'une main il se gratouillait la tête, tandis que de l'autre, il repoussait des maringouins imaginaires.

- Pleure pas, Manon, pleure pu !

Hésitante et maladroite, sa main s'est finalement avancée près de mon visage pour écraser des larmes qui perlaient sur le bord de mes cils. J'aurais voulu, même si ce n'était que lui, qu'il me serre dans ses bras. Doucement. Qu'il me berce, et que je m'endorme pour l'éternité. Je me sentais fatiguée.

- Pleure pu Manon. T'es pas belle quand tu pleures !

-J'pleure pas pour être belle, j'pleure parce que j'en peux pu, Martin. J'en peux pu !

-Arrête, Manon ! Arrête !

Il ne pouvait pas supporter de me voir pleurer. Ça lui faisait mal. Parce que tout ça c'était vrai et qu'on ne pouvait rien faire pour y changer quoi que ce soit. »


« Tout cela s'est passé à une époque pas si lointaine qu'on a appelée la Révolution tranquille. C'était tellement tranquille qu'on ne s'est pas aperçu tout de suite qu'il y avait une révolution. »